Bien entendu, le successeur de Pascal Yiacouvakis n’est pas une tête brûlée au sens péjoratif du terme. On n’a qu’à l’écouter décrire – éloquemment et posément – l’impact des changements climatiques pour s’en rendre compte.

Son complet veston-cravate ne cadre pas non plus avec l’image qu’on se fait d’une personne exaltée qui carbure au danger.

Mais le goût du risque, Waldir Da Cruz le cultive depuis longtemps. Il a d’ailleurs quitté la France en 2010 pour suivre une formation de pilote à l’aéroport de Saint-Hubert (on y reviendra).

Il ne connaissait personne, hormis un ami de longue date qui habitait à Montréal depuis une vingtaine d’années.

« Au début, c’était légèrement déstabilisant, mais en même temps, c’était très excitant. C’était une nouvelle vie… avec une pléthore de nouveautés et d’occasions à saisir. »

Autre exemple de prise de risque (peut-être plus calculée, cette fois) : lorsque la direction de Radio-Canada l’a contacté pour qu’il passe devant l’objectif, Waldir n’a pas hésité une seule seconde.

« Quand il y a de l’inconnu, j’y vais tête baissée », résume Monsieur Météo en souriant.

Rêves d’altitude

Né à Paris en 1982, Waldir Da Cruz s’est toujours intéressé au ciel. Son premier vol d’avion, il l’a passé le nez collé au hublot, subjugué par tout ce qu’il voyait autour. Quand ses parents l’emmenaient visiter la famille au Cap-Vert, cet archipel situé au large des côtes sénégalaises, en Afrique, il aimait passer ses journées avec son oncle contrôleur aérien, pour observer les appareils atterrir et décoller.

Une fois au Québec, ses rêves d’altitude l’ont mené jusqu’à l’Université du Québec à Montréal, où il s’est inscrit au baccalauréat en météorologie.

J’ai appris le métier de météorologue dans un pays où il se passe toujours quelque chose quelque part. On peut perdre ou gagner 20 °C en l’espace de six heures. Ça donne tellement de choses à raconter, à expliquer.

Waldir Da Cruz

Faute d’emplois dans son domaine à sa sortie de l’université, Waldir s’est retrouvé barman au 4e Mur, speakeasy du Quartier latin. Il y a travaillé pendant près de trois ans, apprenant au passage les rouages du métier auprès du réputé mixologue Alexis Taoufiq.

« Côté communication, ça m’a donné beaucoup de choses positives. C’était enrichissant. Ça m’a appris à m’adapter aux différents types de clients. Parce qu’en une soirée, on peut passer du meilleur au pire d’une table à l’autre. »

En 2018, Waldir Da Cruz a finalement obtenu un poste de météorologue sur appel à MétéoMédia. Il caressait le projet de créer sa propre chaîne web jusqu’à ce qu’il reçoive un appel de Radio-Canada pour passer devant l’objectif. Il a été retenu après avoir réussi son audition à l’écran.

En Amérique du Nord, il y a cette mentalité de : “OK, on t’offre une chance. Montre-nous de quoi tu es capable.” En France, c’est plus élitiste. Tout n’est pas accessible à tout le monde.

Waldir Da Cruz

Waldir se rappelle son premier direct en ondes, le 11 janvier 2021, avec Christian Latreille aux commandes du bulletin d’information.

« Je transpirais le stress ! », s’exclame le météorologue.

Sur un nuage

Suivant le départ de Pascal Yiacouvakis, Radio-Canada a confirmé, le 7 avril dernier, la nomination de Waldir Da Cruz comme météorologue au service de l’information du diffuseur public. Quelques jours plus tard, le principal intéressé relayait la nouvelle sur Twitter, précisant qu’il envoyait son message (alerte au jeu de mots météorologique) « depuis [son] petit nuage ».

Plus de deux semaines plus tard, il n’en est toujours pas descendu. (Et on ignore s’il s’agissait d’un cumulus, d’un cirrus ou d’un nimbus.)

« D’une part, c’était génial, mais d’autre part, c’était vertigineux », commente celui qu’on peut voir chaque soir au Téléjournal de Patrice Roy. « Entre le travail, les messages, la tempête au Manitoba, la neige au Québec… Je n’ai pas encore réalisé. Tout est allé tellement vite. »

Sa sélection a suscité une réaction immédiate – et largement positive – des téléspectateurs. Les commentaires ont foisonné sur Facebook et compagnie. D’après l’heureux élu, la curiosité explique en partie cette avalanche de commentaires, d’autant qu’il remplace un météorologue qui occupait ce poste depuis 28 ans.

« Les gens étaient comme : “Qui est-il ? On n’en a jamais entendu parler. Il a l’air de sortir de nulle part !” »

La popularité grandissante des sujets d’ordre météorologique ferait également partie des facteurs.

« Ça monte de manière exponentielle. On peut l’observer sur Twitch et YouTube. Des météorologues anglophones comptent des centaines de milliers d’abonnés. Parce qu’après tout, la météo, c’est un peu ce qui régit notre quotidien. Comment on va s’habiller demain ? Qu’est-ce qu’on peut faire en fin de semaine ? Est-ce qu’on prépare le BBQ ? Est-ce qu’on fait du ski ? Les gens veulent plus de précision. Et ils veulent connaître le pourquoi du comment. »

Bien qu’il vienne d’entrer en fonction, Waldir Da Cruz n’a pas tracé une croix sur l’aviation. Mais seulement pour son plaisir personnel.

« Parce que l’une des plus belles expériences que j’ai eues jusqu’à présent, c’est quand j’ai piloté un avion et que j’étais seul aux commandes. Mon instructeur était resté au sol. J’étais dans mon petit Cessna et j’étais comme : “Wow ! Je suis vraiment en train de voler !” La sensation était juste indescriptible. C’était grisant. »

Une tête brûlée dans les nuages ? Pourquoi pas !

Marc-André Lemieux
La Presse