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Communauté. Une famille ontarienne choquée par des stéréotypes dans un ouvrage scolaire

today09/05/2022

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La représentation d’une habitation africaine typique dans un ouvrage scolaire destiné à des élèves de l’élémentaire, jugée un cliché réducteur, est dénoncée par un membre de la communauté. Honoré Orogbo, père de famille d’Ottawa, affirme que le livre d’école contient des clichés réducteurs à l’égard de l’Afrique.

Les faits se seraient produits dans un établissement élémentaire du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE). En réaction, le Conseil dit avoir pris certaines mesures, mais des parents craignent tout de même que les enseignants ne soient pas suffisamment outillés face aux enjeux de la diversité.

Dans l’ouvrage intitulé Les maisons du monde, différentes habitations de plusieurs pays tels que le Japon et Madagascar ainsi que du continent africain sont présentées. Les matériaux de base avec lesquels ces demeures sont construites y sont également compris sous forme d’exercice à faire avec l’élève.

La famille Orogbo est d’origine caribéenne et africaine. Le fils de M. Orogbo est en deuxième année. Il a rapporté chez lui des feuillets d’exercices tirés du livre en question.

« La seule chose qu’ils ont montrée de l’Afrique, c’est juste la maison en paille et la boue. »

— Une citation de  Honoré Orogbo, Ottawa

M. Orogbo se dit choqué du fait qu’on présente les régions de pays où habitent en majorité des personnes d’ascendance européenne et asiatique, tandis que, pour parler des peuples noirs, c’est le continent africain au complet qui est mentionné. Pour eux, cela équivaut à dire que l’Afrique est un seul et même pays. On présente l’Afrique comme étant un pays de boue et de paille, déplore-t-il.

M. Orogbo est originaire du Bénin. J’ai vécu toute ma vie en Afrique. Toute ma famille demeure dans une maison en brique. Il y a des immeubles, dit-il.

En faisant ce constat, il affirme avoir perdu confiance dans le système scolaire. Je pense que je vais enseigner l’histoire des Noirs en Afrique à mon fils pour qu’il soit fier de ses origines. L’Ottavien craint toutefois que d’autres jeunes grandissent avec des stéréotypes concernant l’Afrique. Il souhaite par ailleurs que le cursus scolaire de l’Ontario soit revu à cet égard. Beaucoup de choses peuvent changer.

De son côté, la direction du Conseil scolaire des écoles catholiques du Centre-Est assure prendre très au sérieux la situation rapportée par la famille Orogbo. Nous avons retiré le livre Les maisons du monde ainsi que le feuillet d’exercices, Types d’habitations d’autrefois, des tablettes de cette école, peut-on lire dans une note du Conseil.

On y affirme aussi que le matériel servait à ouvrir une discussion sur les habitations traditionnelles d’autrefois et celles d’aujourd’hui, mais l’administration compte réévaluer sa pertinence pédagogique. Une rencontre avec le personnel scolaire a été organisée afin de faire le point sur la qualité des outils choisis en lien avec l’enseignement et l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI).

Le Conseil précise aussi que le personnel scolaire a été sensibilisé à cette situation.

Carole Fleuret sourit en fixant la caméra. Carole Fleuret dirige la collection « Éducation » aux Presses de l’Université d’Ottawa. Photo : Carole Fleuret

De son côté, Carole Fleuret, professeure titulaire à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, ne croit pas que les enseignants ontariens soient suffisamment outillés pour faire face à la diversité culturelle. Il y a un gros travail de fond qui est à faire auprès des enseignants. Il faut qu’il y ait une vraie volonté politique, ajoute-t-elle.

« On veut accepter de plus en plus d’immigrants francophones pour la vitalité des écoles francophones, notamment, mais encore faut-il leur redonner une place de choix qui leur revienne, et ce n’est pas toujours le cas. »

— Une citation de  Carole Fleuret, professeure titulaire, Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa

Même son de cloche du côté de Mélissa Villella, professeure en administration scolaire et directrice du diplôme d’études supérieures spécialisées en gestion d’établissement d’enseignement à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).

Mme Villella est d’avis que les enseignants ne sont pas suffisamment encadrés. La liste Trillium du ministère de l’Éducation de l’Ontario au sujet de manuels scolaires approuvés ne contient aucune ressource approuvée en études sociales en français, de la maternelle à la 6e année, note-t-elle. Le racisme sociétal réside ici dans le fait que même le ministère de l’Éducation ne semblerait pas accorder une importance à des ressources inclusives approuvées pour tous les programmes scolaires.

« Par conséquent, un enseignant ou une enseignante est probablement laissé pour compte afin de trouver ses propres ressources pour pouvoir enseigner les attentes du programme scolaire, à moins qu’un conseil scolaire ou l’école ait approuvé des manuels. »

— Une citation de  Mélissa Villella, professeure en administration scolaire, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

De plus, Mme Fleuret affirme que bien souvent les enseignants doivent compenser en recourant à des ressources obsolètes. Je vais beaucoup dans les écoles, le matériel utilisé n’est pas dernier cri, note-t-elle.

Le Conseil scolaire des écoles catholiques du Centre-Est affirme d’ailleurs que le livre Les maisons du monde a été publié en 2006.

Du racisme systémique anti-Noirs

Mme Villella pense que cet incident fait partie d’un enjeu plus grand. Elle y voit une problématique liée au racisme systémique. Le choix et l’utilisation des ressources partagées mettent en exergue la manière dont le racisme systémique anti-Noirs se propage, que ce soit intentionnel ou non.

Mme Villella indique également que le livre ainsi que le cahier d’activités de l’élève sont écrits au présent. Pour elle, cela renforce les stéréotypes envers les personnes racisées. Le cahier d’activités de l’élève […] renforce aussi l’idée que les gens de l’Occident, tous Blancs, vivent dans des conditions considérées plus favorables, puisque toutes autres comparaisons de maisons sont faites à partir de cette image qui sert de point de départ, juge-t-elle.

Melissa Villella porte une paire de lunettes et sourit à la caméra. Le leadership éducatif et le racisme systémique anti-Noirs en contextes francophones minorisés font partie du champ d’expertise de la chercheuse Mélissa Villella. Photo : Mélissa Villela

De plus, la professeure croit que l’utilisation de telles ressources en classe peut exacerber le racisme sur le plan individuel. On propage, consciemment ou inconsciemment, divers biais raciaux associés à des stéréotypes négatifs, croit-elle. On présente ces ressources, on apprend à certains enfants des représentations sociales erronées qu’ils ne connaissaient pas.

La professeure craint également que certains enfants racialisés intériorisent davantage des représentations sociales empreintes de clichés. Tant et aussi longtemps que l’élite francophone blanche née au Canada associe plus souvent les personnes noires à un statut d’immigrant récent, le racisme systémique continuera de se reproduire, ajoute-t-elle.

Ces experts s’accordent pour dire que combattre le racisme systémique de façon concrète serait la solution afin d’éviter que des situations similaires persistent à se reproduire dans les écoles.

Mme Villella suggère des pistes de solution, telles que l’élaboration de cours valorisant l’identité et l’expérience vécue par les élèves noirs.

Pour sa part, Mme Fleuret estime que les maisons d’édition devraient travailler à contextualiser les manuels pédagogiques afin d’éviter des maladresses ou de renforcer des préjugés raciaux. Il faudrait que les nouveaux manuels soient conçus dans cet ordre-là et qu’ils soient mis en parallèle avec les anciens. Selon elle, cela servirait à faire connaître aux élèves l’évolution des mentalités face aux préjugés et aux stéréotypes.

Written by: Léo NSÉKÉ

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