play_arrow

keyboard_arrow_right

skip_previous play_arrow skip_next
00:00 00:00
chevron_left
volume_up
chevron_left
  • cover play_arrow

    TROC RADIO L’accent afro-canadien

À la Une

S’intégrer au Canada en tant que femme de couleur : Djamilla Toure fait de la discrimination un atout

today23/12/2022

Background
share close

Originaire de Côte d’Ivoire, Djamilla Toure passe son adolescence au Maroc et sa vie professionnelle au Canada ou elle va user de la discrimination dont elle et les femmes de la diaspora africaine sont victimes pour créer un organisme qui promeut les valeurs des femmes afro-descendantes.

Djamilla Toure, (Fondatrice de Sayaspora)

À 25 ans, Djamilla Toure dirige déjà un organisme du nom de Sayaspora ; un site internet qui amplifie les voix des femmes de la diaspora africaine basées au Canada. Il n’y a pas mieux pour porter ce projet, car, les discriminations en tant que femme noire, Djamilla les a vécues très tôt. Née à Abidjan, elle quitte la Côte d’Ivoire à sept ans avec sa famille pour s’installer au Maroc lorsque la crise politico-militaire débute en 2002.

« Avant de partir, je pensais que j’allais dans le pays de Shéhérazade. C’était stéréotypé, et je suis tombée de haut. C’est comme si on m’avait enlevé du tapis volant d’Aladin en me disant : « Redescends, la réalité va te frapper et tu vas découvrir ce que c’est qu’être, une jeune femme noire dans le monde » », se souvient-elle.


Constamment injuriée pour la couleur de sa peau fait partie des images qui lui rappellent ses origines africaines. Mais surtout, elle peine à trouver sa place. « Quand je repartais en vacances en Côte d’Ivoire, on m’appelait la Marocaine, quand j’étais au Maroc, on m’appelait l’Ivoirienne et quand j’allais en France, on m’appelait l’Africaine », raconte Djamilla.

Consciente, du fait qu’elle est à l’abri du besoin, la jeune femme ne se plaint pas non plus : « Mon beau-père travaillait au Maroc avec la Banque Africaine de Développement (…). On nous appelait la jeunesse dorée de Casablanca, même si je me sentais souvent en décalage avec les autres. » Au Maroc, elle se met à la danse et au théâtre. Cette dernière activité lui permet de vaincre un bégaiement qui ne s’entend plus du tout aujourd’hui.

Après l’obtention de son baccalauréat en économie et social, Djamilla refuse de se rendre en France comme ses camarades, car elle sait qu’être noire y sera aussi difficile qu’au Maroc. En revanche, sa meilleure amie lui parle du Canada comme un eldorado. Une suggestion que Djamilla trouve plus ou moins bonne que celle d’aller en France : « Il y a du racisme systémique au Canada aussi, mais il est bien moins frontal que dans d’autres pays ».

En 2014, l’étudiante de 17 ans arrive à l’Université du Québec de Montréal, « l’école du peuple, qui te pousse à penser différemment », pour un bachelor en relations internationales et droit international. Elle découvre les diasporas africaines, qu’elle ne côtoyait pas autant au Maroc, et devient la présidente de l’association des étudiants africains. Djamilla déconstruit alors une idée qu’elle qualifie de naïve : « toute personne noire, n’a pas forcément les mêmes valeurs que moi, n’a pas forcément les mêmes envies que moi. » Elle développe ainsi son engagement féministe et découvre d’autres réalités sociales que la sienne.


La même année, elle contacte cinq femmes basées au Canada, mais qui ont des racines avec le continent africain, pour créer le blog Sayaspora, un refuge inspirant pour les femmes des diasporas issues de minorités. Sur le blog, des articles, des vidéos et des podcasts retracent la vie de femmes immigrées. L’on y retrouve également des débats sur l’image des femmes africaines. Des soirées dansantes et des expositions sont aussi organisées sur la plateforme jusqu’en 2020 ou la jeune femme a intégré les cultures africaines à celles de Montréal.

Être afro-descendante dans le monde de l’emploi

En 2018, Djamilla découvre le monde de l’emploi. Sauf qu’elle va très vite se rendre compte qu’elle n’est pas la seule à subir des discriminations en postulant pour de l’emploi. « J’aurais aimé savoir que l’on a le droit de négocier notre salaire en arrivant, même si on a l’impression que nous donner un travail est déjà une faveur. J’aurais aimé qu’on me dise que j’allais faire face à des micro-agressions, comme des remarques sur mes cheveux », regrette l’entrepreneuse.

C’est ainsi qu’elle va décider d’ajouter une mission à Sayaspora : « Construis ton ascension », un projet soutenu par le gouvernement fédéral canadien. Lancé en septembre 2022, 150 participantes ont déjà assisté à des ateliers en ligne, pour apprendre à s’insérer dans le monde professionnel malgré les discriminations.

Entrepreneure déterminée

À date, Sayaspora est un boulot à plein temps pour Djamilla. Elle espère, avec son équipe de bénévoles, consolider son média. Sous quelle forme, elle ne sait pas : avec de l’image, sans doute, mais sans abandonner non plus les articles qu’elle affectionne. Cette volonté d’évoluer tout le temps, cette résilience, la jeune entrepreneuse la doit aux femmes de sa famille : « Ma mère, ma grand-mère et ma tante étaient des femmes fières, qui avaient conscience que le monde était dur, et qui m’ont beaucoup endurcie et préparée. »

À l’exemple des femmes qui l’ont inspirée, Djamilla souhaite que son organisme ait un impact sur le continent africain. Intéressée par les conditions des femmes en Afrique de l’Ouest : « Djamilla trouve inadmissible le fait que dans certains pays, les femmes, qui sont pourtant celles qui travaillent le plus la terre, ont moins accès à la propriété foncière que les hommes, pour des raisons culturelles, religieux, économiques. ». Quoi qu’il en soit, la fondatrice de Sayaspora sait qu’un jour, elle travaillera dans une structure qui viendra à bout des inégalités sociales.

Raphael Mforlem, Troc Radio Canada.

 

 

Written by: Raphael Nforlem

Post comments (0)

Leave a reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *