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today20/02/2023
« Le mythe de la femme noire » : le nouveau film documentaire d’Ayana O’Shun
Le chef-d’œuvre ‘‘pour aller au-delà de la Jézabel et de la nounou’’ de la réalisatrice et comédienne Ayana O’Shun, a été projeté pour la première fois à Montréal, le week-end dernier.
Intitulé ‘‘Le mythe de la femme noire’’, le documentaire met en scène des échanges avec 21 femmes noires issues de différents milieux, mais en particulier trois stéréotypes tenaces entourant la femme noire que sont : l’hypersexuelle Jézabel, la nounou qui prend soin des autres et la femme noire en colère, sont les aspects que met en lumière la comédienne et réalisatrice Ayana O’Shun.
Il s’agit d’un deuxième long-métrage documentaire pour Ayana O’Shun, que l’on a pu voir dans plusieurs productions québécoises, comme 30 vies ou La chute de l’empire américain, ainsi qu’aux États-Unis dans des films comme Le jour d’après (The Day After Tomorrow) ou Sur la route (On the Road).
Après s’être intéressée à l’incendie de Montréal de 1734 et à la figure de l’esclave Marie-Josèphe-Angélique dans Les mains noires, la jeune comédienne a voulu mettre à l’épreuve les stéréotypes envers les femmes noires qu’elle a elle-même observés au fil de sa carrière. « Ça fait une dizaine d’années que je pense à faire ce film. Souvent, les rôles pour lesquels on me demandait d’auditionner correspondaient à un type de rôles très particuliers stéréotypés. J’ai fait ce film-là d’abord et avant tout pour l’adolescente que j’ai été, et qui aurait voulu avoir ces discours et ces représentations, parce que moi, en grandissant, des femmes qui parlent comme ça, je n’en ai pas eu », explique Ayana O’Shun.
Des clichés anciens
Le cliché de Jézabel, le premier abordé dans le documentaire, remonterait au 16e siècle et découlerait directement du colonialisme et de l’esclavage, selon Agnès Berthelot-Raffard, qui est docteure en philosophie, professeure à l’Université de York et l’une des femmes interviewées par Ayana O’Shun. Le cliché dépeint la femme noire comme étant lascive et ayant un appétit sexuel insatiable, c’est la tigresse, l’effeuilleuse de cabaret ou encore la Foxy Brown de Pam Grier, vedette des films de blaxploitation, qui se fait passer pour une prostituée afin de venger la mort de son copain.
C’est le cliché de la femme noire hyper-sexuelle. Jézabel est un personnage qui vient de la Bible. C’est une femme dans l’Ancien Testament qui avait détourné le roi d’Israël pour qu’il adore ses propres dieux à elle. Le terme est resté pour décrire une femme qui utilise ses atouts sexuels pour détourner les hommes du droit chemin, explique Ayana O’Shun.
Les clichés se sont popularisés à cette époque-là pour justifier l’esclavage et la manière de traiter les femmes esclaves. […] C’était une manière de pouvoir les violer sans se sentir mal, parce qu’elles l’ont cherché. Une grande partie des femmes interviewées ont affirmé avoir eu un jour ou l’autre à faire face au stéréotype de Jézabel. Myrna Lashley, docteure en psychologie à l’Université McGill et sommité en psychologie culturelle, raconte qu’un collègue à l’époque de son premier emploi l’a même invitée à venir chez lui pour apprendre à sa femme comment faire l’amour comme une noire.
Selon la réalisatrice, ce cliché a été inventé de toutes pièces pour cadrer avec la vision prédominante blanche de l’époque, tout comme celui de la nounou, aussi connu sous les vocables de la mamie ou de la tante Jemima, dont la fonction principale est de s’occuper des autres. C’est une grosse femme noire, qui est toujours souriante, mais c’est inventé, parce qu’à l’époque de l’esclavage, une femme grosse noire, ça n’existait quasiment pas. Les esclaves en général étaient sous-nourris et mouraient très jeunes, illustre Ayana O’Shun.
Regards croisés
Au moment de faire ses choix d’intervenantes, la réalisatrice a voulu ratisser le plus large possible. Des femmes de tous âges et issues de différents milieux prennent la parole, que ce soit Myrlande Pierre, vice-présidente à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Jade Almeida, docteure et chercheuse en sociologie, ou encore Diane Gistal, commissaire d’expositions et fondatrice de Nigra Iuventa. Elles sont toutes à Montréal. Il y en a qui sont là depuis plusieurs générations, d’autres qui viennent d’Europe, de l’Afrique, des Caraïbes ou de l’Amérique du Sud.
C’était important pour moi de montrer ces différents visages de la diversité, avec des différents types de cheveux aussi, explique Ayana O’Shun, évoquant au passage une autre vague de clichés associés à la chevelure naturelle des femmes noires. La réalisatrice affirme que son documentaire s’adresse à tout le monde, et pas seulement aux personnes blanches. Plusieurs femmes rappellent en effet dans le documentaire que certains stéréotypes sont bien ancrés au sein même des communautés noires. C’est vrai qu’il y a toute une réconciliation à faire, entre autres les hommes noirs et les femmes noires, affirme-t-elle.
Le mythe de la femme en colère
Pour Ayana O’Shun, elle a espoir que ce film viendra à bout d’un autre mythe tenace, le troisième abordé dans le documentaire, celui de la femme noire en colère. C’est un cliché utilisé pour faire taire la femme noire, explique Ayana O’Shun. Dès qu’elle se plaint de quelque chose, on lui dit : « Tais-toi ! De toute façon, tu es tout le temps en colère. On le sait bien, les femmes noires sont toujours en train de chialer sur quelque chose. » C’est une manière de décrédibiliser les femmes noires.
Le mythe de la femme noire, qui a remporté le prix Magnus-Isacsson aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) en 2022, est présenté dès vendredi dans plusieurs cinémas de la métropole québécoise et des environs. La réalisatrice sera vendredi soir au Cinéma Beaubien pour une séance de questions-réponses après la projection.
Raphael Mforlem, Troc Radio Canada
Written by: Raphael Nforlem
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