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TROC RADIO L’accent afro-canadien
La question de la représentation des personnes noires dans la toponymie de la ville de Gatineau soulève un débat crucial sur l’inclusivité et la reconnaissance historique. Dans une ville qui possède près de 3000 noms de rues, de parcs et d’autres espaces publics, seuls quatre toponymes rendent hommage à des figures noires : les rues Jean-Alfred et Oxford, ainsi que le parc et la ruelle Jean-Gardy-Bienvenu. En comparaison, les grandes villes québécoises, telles que Montréal et Québec, affichent des résultats similaires, avec respectivement 30 et quelques rares noms honorant la communauté noire.
Patrice Emery Bakong, chercheur et docteur en science politique, souligne que cette représentation insuffisante témoigne d’un passé où les Noirs ont souvent été exclus des sphères académiques et politiques. « C’est trop peu », déclare-t-il, tout en évoquant un racisme systémique qui persiste dans les choix toponymiques. « Le côté noir a souvent été perçu négativement dans l’histoire, ce qui rend difficile l’émergence de noms noirs significatifs. »
Au Québec, la réglementation impose qu’une personne doit être décédée depuis au moins un an avant d’être honorée par un nom de rue, une contrainte qui peut limiter la possibilité d’une représentation moderne et dynamique. Bakong propose d’élargir les critères en intégrant des concepts et mots représentant la lutte et la culture afro-descendante, comme « Négritude » ou « Renaissance ». Il plaide également pour l’inclusion de figures afro-descendantes, même si elles n’ont pas résidé dans la ville.
La vice-présidente du Comité de toponymie de Gatineau, Isabelle N. Miron, reconnaît la nécessité d’inclure davantage la communauté noire dans les choix toponymiques. La ville a déjà entrepris des démarches pour une toponymie plus inclusive, comme le changement de rue pour honorer la culture autochtone avec la rue Wigwàs, nom qui signifie bouleau blanc en anishinabeg.
Avec une légère augmentation de la communauté noire à Gatineau au cours des 20 dernières années, le besoin de représentativité est d’autant plus pressant. La conseillère municipale Bettyna Bélizaire insiste sur l’importance d’adapter les politiques et processus pour assurer un soutien adéquat à toutes les communautés.
Le Conseil de la communauté noire de Gatineau, dirigé par Garanké Bah, souligne le caractère collectif de cette initiative. Il rappelle que l’ajout de la rue Jean-Alfred, en hommage au premier député provincial noir du Québec, illustre l’impact d’une mobilisation communautaire aux côtés des décideurs.
Pour Bakong, renverser la tendance est essentiel non seulement pour la communauté noire, mais aussi pour ses jeunes filles qu’il souhaite voir grandir avec des ancrages symboliques dans leur quartier. « Elles ont besoin de quelque chose à quoi s’accrocher, de fierté lorsqu’elles marchent dans la rue », conclut-il.
Alors que Gatineau aspire à une toponymie plus inclusive, le chemin reste parsemé d’obstacles. Toutefois, le dialogue engagé entre chercheurs, élus et la communauté semble offrir l’espoir d’un avenir où toutes les voix seront représentées dans l’espace public.
Écrit par: Danielle Adjagboni
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