Troc radio en direct
TROC RADIO L’accent afro-canadien
Afro Canada (on dirait un nouveau service du fédéral !) sera présentée le samedi à 21 h, du 13 août au 3 septembre. Ce n’est ni le meilleur jour de la semaine ni la meilleure heure de diffusion pour une série pareille. Chez le diffuseur public, la direction doit avoir conclu qu’elle n’attirera pas les foules. Fidèle à ses mauvaises habitudes, elle a donc penché du côté des cotes d’écoute plutôt que du côté d’une série d’envergure.
Je n’ai visionné que les deux premiers épisodes, mais si les deux derniers sont du calibre des premiers, il s’agira de la meilleure série documentaire que j’aurai vue jusqu’ici cette année. Dans un tout autre genre, elle est de la qualité exceptionnelle d’Égypte vue du ciel de Yann Arthus Bertrand, que vient de diffuser TV5. En deux heures, j’en ai appris (et compris) davantage sur l’histoire des Noirs en Amérique que dans toutes mes études et dans toutes mes lectures.
UNE RÉALISATION D’EXCEPTION
Le Montréalais Henri Pardo, qui semble avoir délaissé son métier d’acteur pour celui de réalisateur, mène Afro Canada de main de maître. On lui doit aussi le scénario. Il l’a peaufiné avec Judith Brès, qui a participé, entre autres, à la scénarisation de la fiction Je voudrais qu’on m’efface. En plus de sa participation comme chanteuse, Dominique Fils-Aimé, qui avait été demi-finaliste de la 3e édition de La Voix dans l’équipe de Pierre Lapointe, a composé une musique qui sied parfaitement au contexte.
Afro Canada « fait la classe » à 13 jeunes Québécois d’origines diverses avec Aly Ndiaye comme prof. Celui-ci, qu’on connaît mieux sous son pseudonyme de Webster, est absolument impeccable. Il écoute, il explique avec clarté et il n’infantilise pas ses jeunes interlocuteurs. C’est un très bon pédagogue. Webster arrive même à expliquer de façon convaincante la charge émotive que charrie pour les Noirs le mot en « n », encore que je ne sois pas convaincu qu’il faille le bannir, car il pourrait rester utile dans un contexte historique.
UN ANCÊTRE DE L’EX-PREMIER MINISTRE
C’est d’ailleurs d’histoire autant que d’actualité dont traite la série. Elle retrace le parcours complexe et surprenant des Noirs en Amérique, à partir de Mathieu da Costa, le premier Africain à mettre les pieds sur la côte Atlantique. Da Costa vécut avec les Premières Nations au début du 17e siècle et servit d’interprète à Samuel de Champlain lorsque l’explorateur français remonta le Saint-Laurent. On suit aussi Olivier Le Jeune, un esclave qui fut d’abord la propriété du commandant de navire David Kirke avant d’être vendu pour 50 écus à un Français qui le céda à Guillaume Couillard, ancêtre de l’ex-premier ministre du Québec. Le Québec est tissé serré ! Ce jeune esclave, dont une plaque rappelle la mémoire dans la cour du Séminaire de Québec, est l’un des 4185 esclaves qui ont peiné chez nous de 1629 à 1800. Ces malheureux ont fait le sujet d’une thèse de l’historien Marcel Trudel.
La série nous éclaire sur des personnages aussi importants que Toussaint Louverture, figure incontournable de la révolution haïtienne, que sur des personnages plus anecdotiques. Comme Viola Desmond, qui s’est tenue debout contre la discrimination dans un cinéma de New Glasgow, en Nouvelle-Écosse. Je n’avais jamais remarqué que pour rappeler son geste, nos billets de 10 $ la présentent dans le sens inverse de tous les personnages qu’honorent nos billets de banque. Merci, Afro Canada !
Source: Journal de Montréal
Written by: C2D
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