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Fabienne Colas : une afro-descendante, fierté du Québec
Mannequin, actrice, réalisatrice, productrice, conférencière, entrepreneuse… Fabienne Colas est de cette trempe de personnes à qui l’on prêterait plusieurs vies.
Consacrée Reine des Festivals par Radio-Canada, Fabienne Colas puis qu’il s’agit d’elle est cette artiste militante de la première heure, ancienne Miss Haïti, qui porte avant tout la défense de la diversité culturelle. Il y a 20 ans, en route vers Hollywood, elle a fait un arrêt au Québec et n’est jamais repartie. C’est au Québec qu’elle va écrire son don nom en gras.
C’est à la faveur d’une correspondance entamée vers l’âge de douze ans avec une jeune Québécoise, à qui elle va rendre visite dix ans plus tard que Fabienne va faire son entrée au Québec. « J’étais la seule noire en fait, les gens se retournaient littéralement pour me regarder, mais il n’empêche que là où j’ai ressenti le plus de chaleur, c’était bien à Chicoutimi » explique-t-elle.
De retour chez elle, Fabienne a un objectif en tête se rendre à Hollywood. La jeune dame est déjà une vedette en Haïti, actrice primée, elle est aussi Miss Haïti, Miss West Indies, elle accumule les contrats et est très demandée. Mais l’idée d’une transition passant par le Québec fait son chemin. « Ça m’a pris un peu de temps pour fermer une page, je ne voulais pas avoir un pied en Haïti, un pied au Québec et mon esprit à Hollywood. » Certains immigrants se vivent ainsi toute leur vie, de passage, en attente. Fabienne, elle, veut « respirer à un endroit ». Sa transition mentale relève d’un défi. « En Haïti, j’avais le syndrome de l’imposteur : tout marchait trop bien ce qui ne me semblait pas normal. Je me suis dit, si je suis capable de tout recommencer à zéro là où on ne me connaît pas, alors le succès sera mérité. »
Une chance aux talents noirs
Installée à Montréal en 2013, la réalité rattrape « elle a ‘‘la peau noire’’, ‘‘un accent’’, ‘‘aucune opportunité pour travailler’’, lui dit-on. Sauf qu’elle va être sauvée par sa naïveté. « Je n’ai jamais pensé que c’était du racisme ou un biais systémique, confie-t-elle. Je me disais juste que je venais d’arriver et qu’il fallait que je défonce les portes pour qu’on me considère ». Sa persévérance s’avère payante, elle décroche des rôles dans plusieurs séries télévisées, comme Watatatow ou Virginie, Trauma. Mais le manque de diversité dans le milieu artistique la frappe. Quand elle décide de présenter dans les festivals, Barikad, le film d’Haïti pour lequel elle a obtenu le Ticket d’or de la meilleure actrice et qu’aucun festival n’accepte de présenter, c’est le déclic. « Montréal avait besoin d’un nouveau festival », conclut-elle.
Fabienne crée la Fondation Fabienne Colas. « L’idée était de mettre en place une plateforme de diffusion pour soutenir et promouvoir des artistes d’Haïti », le projet donne lieu au Festival international haïtien de Montréal, qui deviendra en 2005 le Festival international du film black de Montréal pour soutenir l’ensemble de la communauté noire. Fabienne a 26 ans. En quelques années, elle va essaimer et créer une douzaine de festivals : le Festival du film noir de Toronto, le Festival Haïti en folie à Montréal et à New York, le Festival Fondu au noir à Montréal, dédié à la célébration du Mois de l’histoire des Noirs, Halifax Black Film Festival… Des festivals, qui ont accueilli au fil des ans plus de 2 millions de participants et soutenu plus de 5 000 artistes.
Construire des liens
Haïti qui est le pays d’origine de Fabienne, garde une place à part. Que ce soit par l’image, la musique, la littérature, l’artisanat ou même les jeux pour enfants, Fabienne veut tout partager « pour permettre aux gens de découvrir la culture haïtienne, mais aussi à ceux d’ascendance haïtienne de redécouvrir leur culture d’origine, car certains sont nés au Canada et ne sont jamais retournés dans le pays de leurs parents ou de leurs grands-parents ».
Le Festival du film québécois en Haïti, qui forme depuis 2009 comme un pont entre sa terre d’adoption et sa terre d’origine. Ce festival de tous les autres qu’elle a créés, tient une place particulière. Et c’est avec beaucoup d’émotion et tout en construisant beaucoup de ponts entre les artistes et le public et entre les cultures… C’est aussi le conseil qu’elle aimerait confier aux immigrants qui arrivent, quel que soit leur pays d’origine : « Il faut venir avec l’idée de créer des ponts et d’établir des liens très rapidement pour ne pas laisser l’isolement s’installer ». Se présenter au consulat, aller frapper dans les regroupements d’entrepreneurs, des chambres de commerce, des associations, des centres culturels, des organismes caritatifs, devenir bénévole pour un festival, parler aux chauffeurs de taxi, aux étudiants, se trouver un mentor pour se faire expliquer le Québec, le Canada… L’entrepreneuse militante et engagée d’aujourd’hui est passée par toutes ces étapes. « En faisant ça, on crée des liens, on se trouve des amis et on construit un réseau. J’ai tellement intégré la culture québécoise que je me suis mariée à un Québécois qui est blanc de blanc aux yeux verts. La diversité, c’est d’abord chez moi qu’elle existe ! » S’exclame-t-elle en riant.
Distinctions
Ayant demandé à son pays de lui faire honneur, Fabienne a rejoint en 2018 le club très sélect des « Canada’s Top 40 under 40 » (prix Top 40 des Canadiens les plus performants de moins de 40 ans), c’est la seule Québécoise francophone et seule femme noire de cette édition. Elle laisse entendre : « Je serai toujours une immigrante, il n’y a aucun mal à ça, je pense que lorsqu’on est immigrant, on a le devoir d’accomplir des choses à titre personnel, de contribuer au Québec moderne parce qu’il y aura toujours des gens qui vont penser à tort que les immigrants ne travaillent pas ou ne parlent pas français… ».
Raphael Mforlem, Troc Radio Canada.
Written by: Raphael Nforlem
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