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Entreprendre au Québec : des afro-descendantes déterminées à réussir

today03/12/2022

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Entreprendre au Québec : des afro-descendantes déterminées à réussir

Elles ne font pas beaucoup parler d’elles, mais dans le milieu des affaires, ces femmes noires qui ont migré au Québec font la fierté des afro-descendants malgré le fait qu’elles évoluent dans un milieu hostile et plein de préjugés.

Ne pas dormir sur leurs lauriers, c’est l’objectif que se sont fixé quatre dames et qui ont choisi de se lancer dans l’entrepreneuriat, nonobstant les péripéties que connaît la femme à la peau noire au Québec. Vickie Joseph, âgée de 41 ans, née à Montréal de parents haïtiens a lancé en 2016 sa propre marque de cosmétiques, du nom de ‘‘V Kosmetik’’. Une marque qui signe aujourd’hui des contrats aux États-Unis et en Afrique. Mais avant d’arriver à ce niveau, l’entrepreneur fait savoir que : « J’ai dû avoir dans ma vie au moins 500 ‘non’, si ce n’est pas plus, avant d’avoir un premier ‘oui’ ».

Pour imposer sa marque sur le marché, Vickie Joseph a adapté ses produits : fonds de teint, rouges à lèvres, fards à paupières et illuminateurs à la couleur de peau des femmes racisées, qu’elles soient africaines, asiatiques ou maghrébines. Des produits qui par le passé ne pouvaient pas facilement intégrer le sol québécois. « A mon plus jeune âge, je devais aller aux États-Unis pour en trouver. On en achetait plein, on les cachait dans nos valises, puis on les partageait autour de nous. Tout le monde me passait des commandes ! » se souvient-elle, amusée.

Obtenir un crédit pour financer un projet était la dernière chose qu’on pouvait offrir à une femme afro-descendante. Les banquiers n’y trouvaient aucun intérêt, il était demandé aux demandeurs de crédits d’aller se débrouiller. Vickie Joseph a fait face à toutes ces difficultés, malgré le fait que les produits de sa marque étaient très demandés dans les communautés noires du Québec. Les refus se résumaient souvent à cette formule sans appel : « On n’est pas rendus là ! ». « Tu vas à la banque ; aucun financement. Débrouille-toi ! », se souvient-elle.

« Je ne comprends pas trop ton projet ; je pense que, culturellement, peut-être que nous, on n’est pas rendus là. Reviens nous voir. » Ça, c’était souvent le point qui revenait. Aujourd’hui encore, elle doit expliquer qu’il y a une diversité ethnique au Québec et les femmes de couleur sont celles qui achètent bon nombre de ses produits de beauté.

Aujourd’hui, Vickie Joseph leur faire comprendre que d’ici les 10, 15 prochaines années, le pourcentage de diversité va devenir encore plus énorme, et la demande pour ce qui est des produits adaptés aux femmes de couleur sera exponentielle. « Déjà, être entrepreneur ou un professionnel qui essaie de réussir, ce n’est pas facile. Rajouté à cela le fait d’être noir, dans un monde où tu es brimé tous les jours, et ça devient hyper difficile. Sans oublier le fait d’être une femme ! ». Toutes ces observations, l’entrepreneur les utilise comme outil vendeur, pour toucher sa clientèle et changer les mentalités des communautés blanches.

Le cas Aurore Robert-Mavounia

Elle fait partie de ces femmes afro-descendantes déterminées à réussir dans un environnement plus ou moins hostile aux personnes de couleur noire. Dans son appartement à Montréal, cette maman de trois enfants a mis sur pied une entreprise d’économie sociale du nom de ‘‘Miss Vav’’ vouée à l’alimentation saine et ludique pour les enfants. Elle cuisine seule des plats tout prêts que son conjoint livre à des familles.

Aurore Robert-Mavounia d’origine congolaise, puis canadienne aujourd’hui ne manque pas d’idées pour davantage développer son affaire. Ateliers ludiques, boîtes-repas prêtes à cuisiner ou vente en ligne, tout-y passe. « Je ne me paye pas de salaire avec les revenus que je réalise. Mon objectif, c’est de pouvoir embaucher des gens », explique-t-elle.

Pour démarrer son affaire, Aurore Robert-Mavounia a bénéficié de plusieurs bourses et subventions, notamment la bourse ‘‘Entreprendre ici’’ de 25 000 $ (16 100 euros environ) du ministère de l’Économie et de l’Innovation pour les personnes issues de la diversité, qui vient avec un accompagnement de type mentorat pendant plusieurs années.

Aurore Robert-Mavounia, se retrouve entrain d’entreprendre parce qu’elle est une femme noire et qu’elle a dû se heurter à de nombreuses difficultés. Titulaire d’un baccalauréat en administration et d’une maîtrise en science politique, elle était par le passé chargée de projet dans une université privée. Rêvant de devenir cadre d’administration, ce rêve va se briser. « Être une femme noire a été un obstacle pour moi, parce que je n’avais pas de modèle. Aux postes de cadres, il n’y avait pas de femmes noires. Je n’avais pas cette source d’encouragement qui me disait : ‘O.K., je vais pouvoir y arriver’ », renseigne-t-elle.

En devenant entrepreneur, Aurore Robert-Mavounia a voulu créer sa chance : « Peut-être qu’ainsi, je vais réussir à percer, par mes propres forces, et arriver au niveau que je veux atteindre ». Trois ans après la création de son entreprise, elle s’est hissée, dans le dernier palmarès de Femmessor, parmi les 100 femmes entrepreneures qui changent le monde. L’organisme québécois, voué au soutien d’un entrepreneuriat féminin respectueux de l’environnement et de l’humain, a choisi 12 femmes noires après avoir remarqué que son tableau des lauréates de l’édition précédente manquait cruellement de diversité.

L’envol des produits pour cheveux crépus au Québec

Née à Laval de parents haïtiens, Schamma Rosidor avec une associée Fabiola Fleurimar va racheter l’entreprise de produits naturels et artisanaux pour cheveux crépus Ayacaona. En trois ans, l’entreprise va voir son chiffre d’affaires tripler, c’est ainsi qu’elle va se retrouver parmi les 12 femmes afro-entrepreneures du Québec. L’avènement de la pandémie à Covid-19 se présente pour les deux dames comme un atout majeur. Les commandes en lignes vont exploser. L’option de trouver un nouveau local et se procurer de nouveaux appareillages pour fabriquer les produits en plus grande quantité.

Sauf que pour ce coup, les jeunes dames auront besoin d’un d’emprunter de 100 000 dollars. Jusqu’à présent, les institutions financières se sont montrées méfiantes et ont suggéré de revenir plus tard. C’est leur entourage qui les a soutenues. « Trouver un local commercial est un autre défi. Dès le premier regard du propriétaire, il y a des biais. Je suis obligée d’avoir des discussions », raconte la mère de quatre enfants. « C’est difficile pour eux de croire qu’une maman peut être entrepreneure et connaît ces choses-là. »

Titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires et ressources humaines Schamma Rosidor explique : « Je trouve que, des fois, il faut en rajouter un peu plus pour prouver qu’on connaît notre domaine. Il faut se vendre un peu plus que la moyenne ». Au Québec, les femmes noires sont encore largement perçues comme des salariées qui font du 9 à 5 et s’occupent de leurs enfants à la maison, pense-t-elle.

Consciente de tracer la voie pour ses enfants, elle compte leur léguer un jour l’entreprise et espère ainsi qu’ils auront moins d’étapes à franchir.

Des barrières systémiques à abattre

« Moi, je n’aurais pas peur de dire qu’il y a encore des barrières systémiques, » indique la consultante en diversité Dorothy Rhau, PDG de l’organisme Audace au féminin et fondatrice du Salon international de la femme noire. « Il y a cette méconnaissance au niveau des produits conçus par des entrepreneurs afro-descendants, mais il y a aussi une méconnaissance du marché, » précise-t-elle. On sous-estime notre apport, notre valeur.

Pour renverser cette tendance, cette perception que l’on a encore de la femme de couleur, l’on doit retrouver les femmes dans des postes de décisions, pense Vickie Joseph, de V Kosmetik. « Il manque de gens qui connaissent ce marché à la tête des grandes entreprises, par exemple aux postes exécutifs des grandes chaînes de magasins. » Dorothy Rhau travaille à faire évoluer les mentalités, y compris au sein des réseaux de femmes d’affaires.

La présence des femmes influentes permettra également d’inverser la tendance. C’est le cas avec l’influente Dorothy Rhau qui a exprimé son courroux sur les réseaux sociaux, ce qui a provoqué de nombreux commentaires. Très consciente de cette situation depuis des années, la PDG du Réseau des femmes d’affaires du Québec, Ruth Vachon, dit s’en désoler elle aussi et entend corriger le tir. Elle créera un comité pour trouver des solutions et invitera à en faire partie… Dorothy Rhau.

La question est importante, car la présence de modèles forts crée un effet d’entraînement, tout en brisant les stéréotypes. C’est ce qui incitera d’autres femmes noires à poser leur candidature ou à se faire confiance dans leur projet d’entreprise. Elles seront des exemples ensuite pour les petites filles noires, qui y trouveront une source d’encouragement à se dépasser.

Les répercussions économiques de l’entrepreneuriat féminin sont aussi importantes. Selon Dorothy Rhau, les entrepreneures noires sont la clé du développement des communautés noires. La réussite professionnelle des femmes fait une grande différence dans le revenu du ménage. C’est ce qui permettra d’envoyer les enfants dans de meilleures écoles, de suivre de plus longues études et de créer de la richesse économique dans la communauté.

Raphael Mforlem, Troc Radio Canada.

Written by: Raphael Nforlem

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