Le pari des sketchs muets
De fait, le vrai coup de génie de Khaby Lame est d’avoir très vite basculé aux sketchs muets, pour ne jouer que sur ses mimiques, contournant ainsi la barrière des langues. « Je savais que pour faire passer mes messages au plus grand nombre de personnes possible, je devais communiquer silencieusement. J’ai donc choisi le langage des gestes parce qu’il est universel », explique aux équipes de Forbes Afrique le jeune homme dont les premières vidéos étaient en italien, sa langue maternelle. Et pour sûr, ce sont ces clips sans paroles, universellement appréciés pour leur simplicité de compréhension, qui ont catapulté le créateur de contenus sénégalais au sommet de la célébrité.
Les circonstances singulières des débuts du jeune sénégalais sur TikTok- la période de confinement lié à la pandémie et le besoin presque thérapeutique de rire pour conjurer l’isolement et l’angoisse – ont très probablement joué aussi en sa faveur. Une analyse que l’on pourrait du reste appliquer aux autres créateurs de contenu. « Faire rire, c’est faire oublier. Quel bienfaiteur sur la terre, qu’un distributeur d’oubli ! », s’écriait déjà l’écrivain français Victor Hugo dans son roman L’Homme qui rit (paru en 1869). Près de deux siècles plus tard, ce besoin humain de fuir (symboliquement) par le divertissement les vicissitudes de la vie est toujours d’actualité.
En attendant, le succès fulgurant de Khaby Lame l’a fait changer de dimension et poussé à prendre un agent, Riggio Alessandro, qui s’occupe de sa carrière et des nombreuses demandes de partenariat de marques qu’il reçoit telles qu’avec le fabricant de pâtes italien Barilla, la marque de mode allemande Hugo Boss ou plus récemment avec la plateforme d’échange de cryptomonnaies Binance. Celui qui était jusqu’alors un sympathique outsider parmi les grands influenceurs est aujourd’hui au cœur du système, happé par les sirènes d’un système économique habile à capitaliser sur l’image « hype » du jeune prodige pour alimenter les désirs consuméristes en tous genres. « À la suite du défilé Russel Athletic x Boss, tenu en septembre dernier à Milan, où il a clôturé le défilé, nous avons vu le pouvoir de Khaby à travers l’engagement des consommateurs qui a battu des records », se félicite par exemple la direction d’Hugo Boss, qui l’a dans la foulée engagé en tant qu’ambassadeur mondial de la marque. Il devrait notamment apparaître dans les campagnes printemps été 2022 et automne hiver 2022 de la marque de prêt-à-porter haut de gamme, ainsi que dans deux collections capsules Khaby x BOSS, qu’il a co-créées avec le groupe basé à Metzingen.
Une vie transformée
Interrogés sur les revenus associés à cette nouvelle célébrité, la star des réseaux sociaux et son entourage n’ont pas souhaité répondre à Forbes Afrique, Khaby Lame reconnaissant toutefois que « sa vie [avait] complètement changé. Avant, je vivais dans un logement social et je travaillais jour et nuit à l’usine. Mais aujourd’hui, grâce à mon travail, je peux aider ma famille et mes amis, faire des dons à des associations caritatives et soutenir les personnes dans le besoin », raconte, avec pudeur, le jeune homme qui assure « ne pas avoir commencé cette carrière avec l’intention de devenir riche ou célèbre ». Aux journalistes de TF1, Riggio Alessandro a toutefois confirmé en juillet 2021 que les émoluments liés à chaque partenariat pouvaient, aller « de 70.000 à 180.000 euros ». Depuis, nul doute que la nouvelle position de star incontestée des réseaux sociaux de Khaby Lame ait renforcé le pouvoir de négociation de celui qui dit juste avoir « suivi [son] cœur et [sa] vision ».
À terme cependant, le jeune créateur de contenus se rêve une autre carrière, du côté du septième art. L’influenceur, qui est apparu sur les marches de la 75e édition du Festival de Cannes, en mai dernier, aux côtés de célébrités françaises et de Hollywood habituées du tapis rouge de la Croisette, le dit haut et fort : son rêve est de « [s’installer[ aux États-Unis et de tourner un film avec Will Smith, [son] idole ». Et pourquoi pas, de « gagner un Oscar ». Mais pour y arriver, le nouveau roi des réseaux sociaux concède « [qu’il devra] continuer à étudier l’anglais et à jouer la comédie ». Une chose est sûre, la trame de sa vie ferait un excellent scénario hollywoodien.
Source: Forbes Afrique
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