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Cinématographie : réalisateurs et cinéastes afro-descendants récompensés
Le magazine britannique ‘‘Sight and Sound’’ a dévoilé son classement décennal des 100 meilleurs films de tous les temps, parus depuis 1952, et qui décrochent des palmarès. Et pour cette année, de nombreux acteurs, réalisateurs et cinéastes issus de la diversité sont comptés parmi les honorés.
Pour la première fois, le film de la réalisatrice, Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975), de Chantal Akerman, tutoie les sommets du classement du magazine ‘‘Sight and Sound’’. Selon de nombreux experts, les résultats de ce sondage, mené auprès de 1639 critiques, programmateurs, conservateurs, archivistes et universitaires, s’avèrent emblématiques d’une plus vaste évolution de la manière dont on définit l’histoire du cinéma d’auteur mondial afin d’inclure des artistes autrefois marginalisés.
Claire Valade, présidente de l’Association québécoise des critiques de cinéma (Aqcc) et critique aux revues Panorama-cinéma et Séquences, fait observer que : « Les forces qui déterminent les films incontournables, telles que le classement de Sight and Sound, certaines plateformes de diffusion en continu, ou encore les salles de cinéma qui présentent des programmes de classiques, redéfinissent de plus en plus l’histoire du cinéma pour y admettre une plus grande diversité ».
Toutefois, « que ces changements s’opèrent plus lentement avec le cinéma d’auteur qu’avec le cinéma populaire, il s’est toujours fait toutes sortes de cinéma d’auteur partout dans le monde, mais la manière dont on a décidé de le classer en Occident est longtemps restée homogène. Le cinéma populaire rejoint les masses. C’est dans ce cinéma-là que les gens ont surtout eu besoin de se reconnaître plus rapidement. » Reconnaît madame Valade.
Un sondage controversé
Suite à la publication du classement du magazine Sight and Sound, les membres ont estimé que madame Valade parle en son propre nom et non au nom de tous les membres de l’AQCC. Valade demeure partagée quant au classement de Sight and Sound : « Get Out (2017), de Jordan Peele, est en 95e position, et je ne l’aurais certainement pas inclus parmi les 100 meilleurs films. »
Réalisé par un cinéaste afro-américain, ce drame satirique traite du racisme aux États-Unis. Il aborde à la fois des enjeux contemporains, comme le profilage racial, et les racines historiques du racisme, comme l’esclavage. « Le rôle d’une liste, c’est surtout de favoriser la discussion, d’ouvrir les horizons. En mettant Get Out en 95e position, ça ne veut pas dire qu’on adore le film, mais ça ouvre un débat, et c’est une bonne chose », nuance Mme Valade.
Les acteurs du milieu ne sont toutefois pas tous du même avis. L’éminent réalisateur Paul Schrader (Taxi Driver, 1976) a qualifié le palmarès de « réévaluation woke déformée » sur sa page Facebook, accusant les experts sondés de vouloir redéfinir une histoire du cinéma « politiquement correcte ».
« Cette liste représente quand même le zeitgeist de l’opinion des cinéphiles, estime Benjamin Pelletier, responsable de la programmation au Cinéma Moderne, à Montréal. Elle est peut-être politisée, mais ce n’est pas une mauvaise chose. Les gens ne valorisent plus les mêmes critères qu’il y a 20, 30 ou 40 ans, dans l’histoire du cinéma. »
Mme Valade précise que : « certaines grandes œuvres demeurent incontournables, mais que la manière dont on interprète le langage cinématographique a changé, notamment parce que les milieux universitaires, qui déterminent ce qu’on retient de l’histoire, ont changé. Ce que j’ai appris à l’université il y a 30 ans reste valide, mais je l’applique de manière différente, en fonction de ce que j’ai vu et appris depuis », ajoute-t-elle.
Les nouveaux joueurs
Dara Jade Moats est une jeune programmatrice originaire de Regina, en Saskatchewan. Installée à Montréal depuis quelques années, elle a fondé Celluloid, en 2016, une série de films réalisés par des femmes « qui défendent la place des femmes au cinéma ». Ses films sont présentés ponctuellement au Cinéma Public, à Montréal, depuis un peu plus d’un an. Mme Moats se sert ainsi de ses connaissances universitaires des classiques pour répondre aux enjeux contemporains de représentation.
Cependant, lorsqu’elle essaie de programmer de plus vieux films réalisés par des femmes, elle se heurte à des obstacles. « J’ai tout simplement moins de choix. Le cinéma féminin a longtemps été sous-financé », déplore-t-elle.
« Heureusement, ajoute Mme Moats, de plus en plus de cinémas et de festivals cherchent délibérément à diversifier leurs équipes pour inclure des femmes et des personnes de couleur, ce qui aide à rééquilibrer le contenu et à dénicher des films moins connus ».
Benjamin Pelletier programme quant à lui, « de plus en plus de classiques au Cinéma Moderne. Il essaie donc de présenter les films les plus variés possible, tout en évitant de se fixer des quotas précis. C’est sûr qu’on pense à la diversité, dit-il, parce que les gens viennent chez nous pour notre travail de “curation”. » Et ce travail, croit Mme Valade, peut certainement changer les perceptions.
Le hasard a justement voulu que le Cinéma Moderne présente Wanda (1970) de Barbara Loden, et Les Petites Marguerites (Daisies, 1966) de Věra Chytilová, au cours des dernières années. Tous deux viennent d’être inscrits au palmarès de Sight and Sound, et M. Pelletier en est très fier : « Ce sont deux magnifiques films réalisés par des femmes ».
Raphael Mforlem, Troc Radio Canada.
Written by: Raphael Nforlem
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